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« La fiscalité est le plus grand frein au marché »

9 octobre 2025

Le 9 octobre 2025, le magazine Trends-Tendances a publié cette interview avec Gaëtan Hannecart (interview réalisé par Laurenz Verledens).

Le marché du neuf est complètement à l’arrêt, constate Gaëtan Hannecart. Le patron de Matexi pointe du doigt un système qui freine davantage la construction et le développement qu’il ne les aide à avancer.  

En 2025, Matexi fête son 80° anniversaire. L’entreprise fondée par les frères Gerard, Robert et Herman Vande Vyvere a évolué d’un négociant en terres agricoles vers un lotisseur, constructeur de logements et finalement développeur de quartiers. Une dernière transformation menée par Gaëtan Hannecart, qui est, depuis 30 ans, à la tête de l'entreprise familiale. En 2024, Matexi a bâti 1.031 logements dans notre pays et est aussi active en Pologne et au Luxembourg.

Malgré ce beau parcours, l’année jubilaire se déroule tout de même un peu sur une note mineure. Tout comme l’ensemble du secteur du neuf dans notre pays, Matexi est confrontée, depuis plusieurs années, à des conditions de marché difficiles. Les résultats de 2022 et 2023 étaient “très décevants”, selon les mots de Gaëtan Hannecart dans le dernier rapport d’activités. À suivi 2024, une année d'équilibre avec un solide recul du chiffre d’affaires. Pour 2025, le dirigeant n'attend pas encore de redressement structurel, mais bien une croissance du chiffre d’affaires jusqu’à 380 millions d’euros. Gaëtan Hannecart critique le système en place dans notre pays “où règne la mentalité BANANA - Build Absolutely Nothing Anywhere Near Anything”, tout en restant optimiste. « Le secteur immobilier traverse une période difficile, mais l'importance et le besoin de quartiers résidentiels de qualité sont plus grands que jamais », estime-t-il.

Pourquoi le secteur du neuf a-t-il alors autant de difficultés ? Hannecart : « La hausse des taux d'intérêt à long terme est l’une des raisons majeures. Elle a fortement abaissé le pouvoir d’achat des candidats-acheteurs et les coûts de réalisation des projets neufs ont fortement augmenté ces dernières années. En raison de normes plus strictes - souvent justifiées - de coûts de matériel et de main-d'œuvre plus élevés, d’un financement plus cher et de longs délais de procédure pour les permis. À cela s’ajoutent encore les lourdes charges publiques. Si le coût de création de l’offre est plus élevé que le prix que le marché peut payer, alors ça s'arrête. »

La situation belge diffère-t-elle fortement de celle à l'étranger ? « Les taux d'intérêt jouent partout, notamment pour les matériaux plus coûteux. Pour les coûts salariaux, on voit en revanche plus de différences d’un pays à l’autre. Les procédures de permis difficiles sont principalement un problème occidental. Par peur des excès, nous avons créé tellement de procédures qu’on ne réalise presque plus rien. »

Par peur des excès, nous avons créé tellement de procédures qu'on ne réalise presque plus rien.

« Attention, je ne plaide pas pour que “tout soit permis et possible”, mais nous sommes très loin de l’optimum. Ce n’est donc pas un phénomène exclusivement belge, même si le processus est plus simple dans d’autres pays, plus clair et plus rapide. Notre pays obtient de mauvais résultats à l’international à cause de la bureaucratie. La fragmentation des compétences et des niveaux de pouvoir doit expliquer cela en partie. Je tiens à souligner que de nombreux fonctionnaires travaillent avec le bon état d'esprit, mais ils doivent se plier au cadre législatif imposé. La solution réside donc dans une réforme fondamentale : une vision claire, des affectations limpides, des procédures efficaces et une application cohérente. Fiscalement, il existe aussi des différences. Dans certains pays, la TVA sur les constructions neuves est volontairement maintenue plus basse, parce que ce sont surtout les nouvelles constructions qui ajoutent des logements économes en énergie au parc immobilier. Ne rafistoler que de vieux bâtiments ne suffira pas pour atteindre les objectifs climatiques à l'horizon 2050. »

Selon vous, faut-il d’abord revoir les procédures complexes de permis ou la fiscalité ? « Le problème des permis dépasse le cadre de l'immobilier ; il touche beaucoup d'entrepreneurs et de citoyens. Les politiciens commencent à comprendre que cela doit changer. Mais cela exige des réformes profondes et des processus législatifs. La fiscalité peut être ajustée beaucoup plus rapidement. Nous devons travailler sur les deux fronts, mais à court terme, c’est de la fiscalité immobilière que devra venir l'impact. »

En juillet, le gouvernement fédéral a rendu permanent le taux de TVA avantageux pour la démolition et la reconstruction, et l’a élargi aux investisseurs. Est-ce un pas dans la bonne direction ? « Oui, mais ce n’est qu’une partie de la solution. La construction neuve reste lourdement taxée, avec un taux de TVA élevé, alors que nous avons besoin de davantage de constructions neuves économes en énergie. Je ne parle pas ici de bétonner les espaces ouverts, mais de projets réfléchis sur des sites de reconversion, à proximité de nœuds de mobilité et dans des noyaux urbains renforcés.

Aujourd’hui, la fiscalité freine cette construction neuve, allant à l’encontre des objectifs sociétaux qui sont l'efficacité énergétique, les typologies améliorées et les unités d'habitation supplémentaires aux bons endroits. Le gouvernement semble surtout chercher de l’argent, sans tenir compte de l’élasticité des prix dans notre secteur. Avec la hausse des prix, le volume de constructions neuves chute à toute vitesse. Si le prix diminuait grâce à des impôts plus bas, le volume augmenterait à nouveau, ce qui générerait des emplois supplémentaires, des rentrées fiscales et davantage de logements.

Beaucoup d'entreprises de construction rencontrent des difficultés : chômage économique, faillites et de l'expertise qui se perd. Le risque est que, lorsque le besoin en logements deviendra encore plus grand, nous n’ayons plus la capacité de les construire. »

Plaidez-vous alors pour un taux de TVA généralisé de 6% ? « Je plaide pour un taux uniforme pour l’habitat, que ce soit 6, 9 ou 12%, je laisse la question ouverte. Il est important qu’il soit plus bas que 21% et surtout uniforme. Pourquoi ? Les différences existantes dans les régimes et exceptions perturbent le marché. Chaque bâtiment, chaque parcelle et chaque famille est différente. Arrêtez donc de materner les gens et laissez-les choisir la meilleure solution dans un cadre simple, égal et stable. L’enchevêtrement actuel de stimuli fiscaux pousse souvent les familles et les promoteurs vers des choix qui sont sous-optimaux ou même indésirables. »  

Pouvez-vous donner un exemple ? « Pensez aux constructeurs qui laissent debout trois murs d’une habitation vétuste pour que cela soit considéré comme une “rénovation”. Ou aux familles qui reportent des travaux nécessaires parce que leur logement n’est pas encore assez ancien pour bénéficier du taux de TVA de 6%. Le régime de 2025 démolition et reconstruction crée aussi parfois des situations absurdes. »

Luchtbeeld van het Groen Kwartier

Le secteur immobilier avertit d’une crise du logement imminente. Cette situation est-elle unique dans les 80 ans d’existence de Matexi ? « Dans les années 1970, ce n’était sans doute pas facile non plus à cause des taux d'intérêt extrêmement élevés.

Il existe deux sortes de crises. La première est une crise de surproduction, comme le marché immobilier espagnol d'il y a une dizaine d'années. On avait beaucoup trop construit. Alors, au bout d’un certain temps, il n’y a plus de demande pour votre produit. La crise actuelle est exactement l’inverse. Il y a un problème de logement : beaucoup d’habitations sont vétustes, énergivores, des jeunes qui doivent rester plus longtemps chez leurs parents, des gens entassés dans de mauvais logements... Le besoin est énorme, mais nous ne pouvons plus produire l'offre à un coût que la partie demandeuse peut payer. Au lieu d’une surproduction, il y a donc une sous-production chronique.

En outre, les carnets de commandes des architectes et le nombre de demandes de permis de construire sont dans le rouge. L’offre supplémentaire va donc encore diminuer. Je n’exclus pas que cela provoque à terme des troubles sociaux.

Ceux qui disposent de moyens propres suffisants pourront toujours acheter un appartement de luxe ou une villa. Mais la plupart des familles dépendent d’un crédit hypothécaire, et une partie d’entre elles passent aujourd’hui à côté. Elles se tournent vers le haut du marché locatif, ce qui augmente les loyers. Les familles disposant de moins de moyens sont ainsi poussées vers le bas du marché de la location. Et ceux qui s’y trouvaient déjà risquent alors de se retrouver complètement en difficulté. »

Faut-il alors concentrer l’attention sur le bas du marché ?  « Pour moi, il faut se concentrer sur le logement au sens large. Chaque logement supplémentaire aide à alléger le problème du logement, car les gens déménagent en fonction du travail, de la mobilité, de la famille ou des écoles. S'il y a suffisamment d’offre, les familles passent à un logement qui leur convient mieux, ce qui libère les logements moins adaptés pour la rénovation. Il est donc erroné de penser que nous devons uniquement construire “pour le bas du marché”. Des études académiques montrent que pour 100 logements neufs dans des communes où les revenus sont au-dessus de la médiane, entre 45 et 70 logements deviennent disponibles pour des familles dont les revenus se trouvent en dessous de la médiane. »

Il est erroné de penser que nous devons uniquement construire pour le bas du marché.

Mais les prix baissent-ils suffisamment de ce fait pour rendre le logement abordable pour ceux qui ont très peu de pouvoir d'achat ou de capacité locative ? « Il y aura toujours des gens pour lesquels il faut prévoir un logement. Mais, pour autant qu’il y ait suffisamment d’offre, un marché locatif privé bien fonctionnel peut être une solution pour beaucoup de familles. Et oui, si quelqu'un ne peut payer que 600 euros de loyer pour un logement adéquat qui en coûte en réalité 1.000, alors nous devons peut-être, dans la lutte contre la précarité du logement, ajouter 400 euros. Cela fait 4.800 euros par an. Pour 10.000 familles, cela représente 48 millions d'euros par an. Comparez cela aux 8 milliards d’euros que nous distribuons en Flandre sous forme de subsides aux entreprises. L’alternative est que le gouvernement construise lui-même ces logements. Supposons un coût de 300.000 euros par logement. Pour 10.000 logements, il faudrait investir trois milliards d'euros. Avec notre dette publique de 105% du PIB, ce n’est tout simplement pas réaliste. Nous avons besoin de cet argent pour les tâches essentielles de l'État, comme la modernisation de la justice, de l’enseignement, des soins de santé et de la défense. Nous ne pouvons pas résoudre ces problèmes sans grands investissements publics, ce qui n’est pas le cas pour le logement. »

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