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Les nouvelles constructions, catalyseur du logement abordable

29 septembre 2025

Chacun mérite un endroit où il fait bon vivre. Malheureusement, pour beaucoup, un foyer chaleureux dans un quartier agréable est loin d’être une évidence… Les défis sociaux sont énormes : la croissance démographique, la réduction de la taille des ménages et le vieillissement de la population accroissent la pression exercée sur le marché du logement. Et compte tenu des procédures d’octroi des permis, l’offre n’augmente pas assez rapidement. Comment trouver une solution ensemble ?

Nous ne devons pas sous-estimer la contribution des logements supplémentaires à la résolution de notre problème de logement. On dit souvent que la construction neuve est chère et ne contribue pas à rendre le logement abordable. Pourtant, des analyses scientifiques dressent une image tout à fait différente du rôle du neuf.

Pour mieux comprendre la dynamique, on utilise la métaphore de « l’échelle du logement » ou de « la chaîne de relogement » : un instrument qui permet de visualiser les étapes successives du parcours résidentiel ou les mouvements résidentiels des familles. L’échelle du logement représente l’évolution des gens sur le marché immobilier, car les besoins des familles en termes de logement peuvent évoluer et passer de formes de logement simples ou compactes à des logements mieux adaptés ou plus spacieux. Car un logement se vit, il ne se consomme pas.

La comparaison avec un jeu de chaises musicales inversé, où on ajoute une chaise plus adaptée à chaque tour, est encore plus parlante. Chaque nouvelle chaise peut être occupée par quelqu’un pour qui elle convient mieux, compte tenu de son stade de vie et de ses besoins. La « chaise » libérée est elle-même probablement mieux adaptée à quelqu’un d’autre. Tout le monde se déplace, toujours pour passer à une situation plus adaptée.

Dans cette comparaison, les chaises ajoutées correspondent aux constructions neuves. Elles créent de l’espace : les familles emménagent dans des logements plus adaptés, ce qui libère des logements dans d’autres segments. L’inverse est vrai aussi : si on n’ajoute aucune chaise, tout le monde reste à sa place et la file des personnes qui veulent participer s’allonge. 

Prenons un exemple concret : une famille avec de jeunes enfants achète une maison neuve dans une gamme de prix supérieure. Son ancien logement, à savoir une maison mitoyenne compacte, se libère et est acheté par un couple qui vivait en appartement. Cet appartement est à son tour loué par un jeune célibataire. Une seule maison neuve engendre donc plusieurs déménagements, qui font chacun suite à une évolution des besoins en matière de logement.

Mais quelle est l’ampleur de cet effet ? En septembre 2025, le professeur Johan Albrecht, de la Faculté d’économie de l’Université de Gand, a analysé la littérature scientifique sur l’impact des nouvelles constructions sur le logement abordable[1]. Des analyses menées notamment aux Pays-Bas, en Allemagne, en Finlande et aux États-Unis montrent qu’à court terme, la construction de nouveaux logements contribue à élargir l’offre sur le marché, y compris celle des habitations en location à prix abordable.

Ainsi, début 2025, le Journal of Political Economy - Macroeconomics a publié une étude allemande d’Andreas Mense, économiste spécialisé dans le logement et l’urbanisme [2]. D’après cette étude, chaque déménagement entraîne près de cinq déménagements supplémentaires dans l’année. En d’autres termes, dans l’année qui suit un déménagement, six familles, en moyenne, vivent dans un logement mieux adapté.

En 2023, le Journal of Urban Economics avait publié une étude américaine réalisée par Ewan Mast, professeur et économiste spécialisé, entre autres, dans les mécanismes du marché immobilier[3]. Il en ressort que « [...] la construction de 100 nouveaux logements dans des quartiers relativement cossus libère 45 à 70 logements dans des quartiers où le revenu est inférieur au revenu médian. Ces mouvements interviennent généralement dans les trois ans qui suivent la livraison du projet de construction neuve. Les nouvelles constructions atténuent dès lors la pression sur les prix dans les segments de marché à faibles revenus. Une augmentation de 10 % du parc immobilier entraînerait une diminution des loyers de 0,9 à 6,3 % dans les quartiers à revenus relativement faibles. Plus important encore : les nouvelles constructions coûteuses ont un impact positif assez important sur les segments du marché où les revenus moyens et modestes sont nombreux. »

Bien que ces études aient été menées à l’étranger, le professeur Albrecht estime qu’il n’y a aucune raison de penser que la situation serait différente en Belgique. Chaque augmentation de l’offre sur le marché immobilier belge, même si elle concerne les segments supérieurs, génère de l’offre dans les segments inférieurs, car elle met l’ensemble de l’échelle du logement en mouvement. Albrecht : « Il faut veiller à ce qu’il y ait suffisamment de nouvelles constructions, du bon type et aux bons endroits. » Résultat : la pression sur le marché immobilier se relâche.

Il faut veiller à ce qu’il y ait suffisamment de nouvelles constructions, du bon type et aux bons endroits.

C’est également ce qui ressort de la thèse de doctorat en économie immobilière de Stijn Dreesen, qui a analysé en 2023 toutes les chaînes de relogement en Belgique entre 2001 et 2011[4]. Dreesen a observé jusqu’à six mouvements successifs dans une même chaîne. Cela implique que les appartements de luxe ne profitent pas seulement à ceux qui y emménagent, mais ont aussi un impact positif pour les revenus plus modestes. Le logement abordable nécessite dès lors une combinaison de solutions, parmi lesquelles la construction de nouveaux logements doit jouer un rôle essentiel.

Notre expérience en tant que développeur de quartiers montre en effet que le développement durable des quartiers ne réussit que lorsqu’on considère l’ensemble des segments de logement dans leur cohérence. Les différents segments du marché immobilier sont en effet des vases communicants. L’heure n’est plus à la réflexion cloisonnée. Achat, location-vente, location privée, location sociale… : toutes les formes de logement font partie d’un seul et même marché, où elles s’influencent mutuellement comme des vases communicants.

Quand le gouvernement envisage le domaine du logement comme un ensemble d’îlots distincts et agit sur un seul aspect, des problèmes jaillissent ailleurs. Seule une vision intégrée et holistique du logement peut amener des résultats durables.

Outre le mouvement de migration sur l’échelle du logement, l’augmentation du nombre de logements présente le gros avantage d’équilibrer l’offre et la demande, ce qui améliore l’accessibilité financière. Pour employer le jargon économique : quand l’offre de logements augmente (grâce à la construction de nouveaux logements), la pression sur le marché immobilier diminue. En effet, quand la demande reste égale à l’offre ou augmente moins rapidement que l’offre, l’équilibre du marché change : les acheteurs et les locataires ont plus de choix. Il en résulte une réduction de la concurrence et une stabilisation, voire une baisse des prix.

Pour de plus en plus de ménages, le coût de construction d’un nouveau logement est actuellement supérieur à ce qu’ils peuvent se permettre. Selon une analyse menée précédemment, le nombre de ménages belges qui ont les moyens de s’offrir une nouvelle maison ou un appartement neuf a diminué de moitié en quatre ans…

Si nous voulons vraiment créer un marché de l’immobilier abordable, nous devons oser élargir l’offre de logements, en construisant les bons types de logements aux bons endroits, afin d’enclencher la dynamique nécessaire pour améliorer l’accessibilité financière.

 


[1] Albrecht, J., De Vos, O., & Van Maele, A. (2025). Des logements abordables grâce à des constructions neuves coûteuses ? Le mécanisme des chaînes de relogement. Itinera Institute. https://www.itinera.team/fr/publications/rapports/des-logements-abordables-grace-des-constructions-neuves-couteuses

[2] Mense, A. (2025). The impact of new housing supply on the distribution of rents. Journal of Political Economy Macroeconomics, 3(1), 1–42. https://doi.org/10.1086/733977

[3] Mast, E. (2023). The Effect of New Market-Rate Housing Construction on the Low-Income Housing Market. Journal of Urban Economics, 133, 103383. DOI : https://doi.org/10.1016/j.jue.2021.103383

[4] Dreesen, S. (2023, 18 december). Understanding housing market dynamics: a comprehensive study of housing and neighborhoods (Thèse de doctorat non publiée, KU Leuven, Faculty of Economics and Business, Doctoral Programme in Economics). Projet 3H170369. Leuven: KU Leuven. https://research.kuleuven.be/portal/en/project/3H170369

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